lundi 15 février 2010

Enseigner la littérature française et francophone...

Je ne parviens pas à me rappeler si j'aimais les rentrées quand j'étais encore à l'école. Quelque chose me dit que je ne faisais pas exception à la règle, et que dans l'ensemble je détestais ça.

Sacré contraste, maintenant que je suis passée à l'ennemi :)

La rentrée a eu lieu il y à maintenant deux semaines, et je suis comblée. J'ai la tête bien occupée et l'agenda griffonné jusqu'au mois de juin par de bien sympathiques perspectives, liées notamment à la semaine de la francophonie qui aura lieu en mars.

Mais commençons tout d'abord par quelques lignes sur mes attributions du deuxième semestre; celles-ci ont en effet un peu changées, et je me retrouve professeur de littérature française et francophone pour les S2 (les grands, rappelez-vous). Exit la sociolinguistique, place aux grands courants littéraires et aux auteurs incontournables de langue française!

Comme à l’accoutumée, pas d'objectifs précis, et le semblant de syllabus que j’ai obtenu à grand peine ne m'a pas beaucoup aidé à définir ce que l’on attendait de moi pour ce cours. J'avais pourtant bon espoir d'être un minimum éclairée par ce merveilleux document (un syllabus et en quelque sorte un descriptif du cours censé permettre à l'enseignant de préparer son contenu en accord avec le programme de l'institution, autrement dit, une véritable boussole), mais mes espoirs ont été réduits à néant à la lecture de ce qui s’est avéré être un maigre feuillet de quelques lignes préconisant d'enseigner les grands courants littéraires du Moyen-âge à nos jours, des grands auteurs français et francophones, l'analyse du discours, les figures de style, les registres de langues, tout en abordant bien entendu la question de la didactique des textes littéraires en classe de langue, etc etc.


!!!


Qui est le con qui a dit que « impossible n’est pas français », que je lui fasse bouffer une copie du Syllabus ? (Google m’indique qu’il faut alors que je m’en prenne à Napoléon…).

Si j’ai appris une chose depuis que je suis stagiaire FLE en Indonésie, c’est que tout est possible en Indonésie, et qu’il faut savoir jouer des situations absurdes et en faire une force. Du coup, je me suis dit qu’en plus des préconisations du syllabus, j'aurais encore bien le temps de traiter de la méthodologie de la dissertation philosophique, de proposer une analyse sémantique du champ lexical de la féodalité dans Tristan et Iseut et aussi de la philosophie des Lumières un de ces 4 matins entre 5 et 7 heures :)

Non mais sérieusement, on attend sincèrement de moi que je traite de la littérature française et francophone en 16 cours. J'en ai déjà des nœuds dans l'estomac à l'idée des impasses révoltantes que je vais devoir faire pour faire tenir un tel programme en ce temps record ! Mais bon, j'ai déjà la chance d'avoir à charge un cours si passionnant, loin de moi l’idée de m’en plaindre (je me plains un peu quand même mais au fond de mon petit coeur d'intello de base je suis très, très contente).

J’ai, à ce jour, déjà donné 3 cours de littérature et jusqu’à présent je pense m'en être plutôt bien sortie malgré quelques tâtonnements. Il faut dire que j’ai encore tout à apprendre sur la question de la didactique de la littérature, et je me rends compte de plus en plus que sensibiliser les étudiants (utiliser ici le verbe « enseigner » me parait bien présomptueux en regard des embryons de connaissances que j'ai en la matière) aux grands écrits français et francophones implique de savoir manier la littérature (en somme, de la culture G, ce qui me semble être le plus simple à partir du moment ou l’on effectue une préparation de cours solide), mais aussi de comprendre et de transmettre les subtilités du langage propre à chaque époque historique et chaque courant littéraire (plus dur), tout en restant vigilant à garder un discours didactique et adapté aux étudiants (véritable performance).

Entre français de langue maternelle, un minimum lettrés et sensibles à la chose littéraire, il est plus ou moins aisé de se laisser aller à la passion littéraire et de décortiquer les écrits des grands auteurs. Je dirais même que pour le français moyen-pédant-et-grande-gueule (mais si ,vous voyez…celui du cliché pas si cliché!) c’est un exercice quasi quotidien plutôt agréable à mener ...(ou désagréable à subir selon l’interlocuteur, j’en conviens !).

Face à un public dont le français n’est pas la langue maternelle, la transmission des connaissances seule ne suffit plus, il faut sans cesse garder en tête le facteur linguistique et adapter son discours vis-à-vis de celui-ci, ce qui m’apparait être une grande difficulté dans le cas d’un cours de littérature. En effet, en tant qu’enseignant de français, il nous faut avant tout mener notre mission linguistique et donc travailler sur la compréhension et sur la forme (explicitation du lexique, observation et analyse des structures syntaxiques propres à certaines littératures, points de grammaire, etc.), mais comment faire ceci tout en préservant la beauté naturelle des mots d'auteurs et de leurs enchainements ? Je ne trouve pas ça évident, mais c'est un beau challenge. A l'heure qu'il est, je ne suis pas exactement sûre que mes étudiants aient bien perçus les subtilités des fables du Moyen-Age comme Le Roman de Renart ou la profondeur de l'amour impossible de Tristan et Iseult (les derniers cours ont portés sur la littérature du Moyen-Age, vous l'aurez deviné), mais je les ai vus apprécier les textes et s'y intéresser, et c'est là l'important, hein? Oui? Non? ... Rassurez moi!!! :)

Ca va, ils n'ont pas l'air trop traumatisés mes étudiants, hein?!